Le 29 octobre, c’est la Journée Mondiale de lutte contre l’AVC (Accident Vasculaire Cérébral). Je vais vous parler d’une séquelle possible de l’AVC : l’aphasie. L’aphasie, même 10 ans après mes AVC, me bouleverse encore … J’ai réécrit cet article plusieurs fois : il y a tellement de choses à dire, tellement de souffrances, tellement de situations cocasses même, tellement de types d’aphasie… Je ne suis pas médecin * (sinon, ça se saurait !), mais j’ai décidé de vous faire part d’un petit bout de mon expérience, de mes mini-trucs pour avancer en espérant que ça puisse vous servir. Je m’en suis sortie plus ou moins bien.
* Pour un point de vue plus médical, je vous conseille vivement le site de Catherine Le Bras, neuropsychologue au CHU de Beauvais, AVC Oise Ouest. Le livret 6 sur l’aphasie est consultable aussi en ligne, et mon guide de chevet sur l’AVC : Le retour à domicile après un AVC.
SOMMAIRE des articles 1 & 2 :
- L’aphasie, c’est quoi ?
- L’aphasie de Broca
- L’aphasie de Wernincke
- Rééducation de l’aphasie : l’Orthophonie
- Orthophonie
- Mes petits tuyaux pour continuer et aller voir l’orthophoniste
- Méthode Padovan
- En quoi consiste la méthode Padovan ?
- Quels progrès ai-je fait ?
- Conclusion de la 1ere partie de l’article
- Méthode Gisèle Gelbert
- Mes astuces
- Combien de temps a duré ma rééducation en orthophonie ?
- Méthode Padovan
- Chant & Aphasie
- Vivre avec une aphasie
- Conclusion
L’Aphasie, c’est quoi ?
L’aphasie, c’est un trouble du langage oral et/ou écrit qui affecte l‘expression et la compréhension. Le mot « aphasie » vient du grec « phasis » (parole) qui signifie « sans parole« . Chez un tiers des patients ayant subi un AVC (environ 30.000 personnes par an), une aphasie sévère persiste, entraînant une très grande difficulté de communication.
Autant vous dire que c’est hard, très, très hard pour le tout monde, la personne victime d’AVC et l’entourage. L’aphasie, c’est l’angoisse à l’état pur, un trou noir vertigineux, une spirale sans fin qui vous engloutit : on est à la merci de tout le monde, surtout des imbéciles, vous vous en doutez bien !
L’aphasie survient essentiellement après un Accident Vasculaire Célébral (AVC) (mais aussi après un traumatisme crânien – les personnes sans casque à vélo, j’en suis malade !- , ou une maladie neurodégénérative). L’aphasie touche l’hémisphère gauche du cerveau, qui commande la motricité du côté droit, grosso modo. On distingue 2 grands types d’aphasie :

L’aphasie de Broca
L‘aphasie de Broca est caractérisée par une réduction de la parole (entre autres ! L’écriture et la lecture, c’est une autre paire de manche. J’en parlerai après). La personne cherche ses mots, l’articulation de mots est…euh… approximative disons, son élocution est ralentie, on pense « madame », on sort « monsieur », etc…
La personne, comme vous le devinez, c’est moi ! Le matin, il y a de bonnes chances que ce ne soit pas si mal ; en fin après-midi, lorsque la fatigue se fait sentir, c’est nettement moins bien. D’ailleurs, c’est fatiguant d’articuler et, en même temps, de respirer convenablement (si, si, c’est un signe d’alerte pour mon mari : grande fatigue à bord !). Bon, comme cette aphasie est surtout située dans l‘aire de Broca, on parle d’aphasie de Broca !
Au pire du pire, je ne prononçais aucun mot, je ne lisais pas (ou mes yeux glissaient sur le texte sans rien y comprendre),je n’écrivais pas…mais je comprenais (au moins des choses concrètes), je pensais et je réfléchissais, même si c’était très fatigant.
Là, je passe en mode « fulminant »🤬. Pour la petite histoire : je passe 1 mois en hospitalisation complète, je rentre chez moi, j’intègre un centre de rééducation près de chez moi et là, l’hallu complète. Le médecin et la cadre de santé sont « juste » étonnés que je veuille réapprendre à parler par-dessus tout … WTF (What The Fuck) !!! C’est irrattrapable à ce niveau-là, dangereux même de les laisser exercer (sérieux, ces deux-là, il y a dû y avoir bakchich pour l’obtention du diplôme.) Eh bien, c’est bête, mais je ne pouvais pas leur répondre ha ha ha … ! Heureusement, j’étais accompagnée. Imaginez, un aphasique, tout seul… les portes de l’enfer s’ouvrent et il glisse lentement mais sûrement dans le trou noir. Ça fait froid dans le dos…


Alors, FUYEZ ! Mieux vaut passer en libéral ou trouver un autre centre de rééducation, même s’il y a une liste d’attente, même si le médecin est furieux que vous vous adressiez à des confrères (bin, oui, en plus !). C’est votre droit. Il y va de votre santé, de votre récupération. J’ai attendu trop longtemps dans un centre nul, à stresser en plus, voilà. ..
Bref, j’étais complètement aphasique (on dit mutique 🤐) pendant peut-être 6 mois, un an. C’est pour ça que parler et écrire sur l’aphasie (non sans ironie !) me tient particulièrement à cœur.
Aphasie de Wernincke
Dans l’aphasie de Wernincke, le langage est normalement articulé, le débit normal, la syntaxe conservée, mais le langage est plus ou moins incohérent. La personne ne comprend plus les mots.

Bark : Aboyer
Meow : Miaou
Rééducation de l’aphasie : orthophonie & chant
Orthophonie
La clé, c’est l’OR-THO-PHO-NIE ! C’est très, très long, c’est épuisant, c’est extrêmement frustrant, mais dans mon cas, c’était essentiel pour retrouver la parole, la lecture et l’écriture (pas seulement pour « apprendre à faire ses lettres » de la main gauche, mais l’écriture qui retranscrit ce que l’on entend ou ce qu’on imagine. Tout un programme …).
Malheureusement parfois, l’orthophonie ne suffit pas. Peut-être que la zone du cerveau touchée ne permet pas une petite récupération…
Les neurones qui sont grillés, sont grillés. On passe… MAIS, la nature fait bien les choses parfois : s’ils sont stimulés, les neurones se reconfigurent et se réorganisent. De nouvelles connexions se forment : c’est ce que l’on appelle la plasticité cérébrale.

L’orthophonie sert à transformer dans le cerveau de petits chemins de terre en autoroute. Il faut passer par des exercices répétitifs. Par exemple, il faut d’abord se souvenir de mots simples (maison, arbre, voiture, etc…), décrire des cartes avec des photos des années 70 (déprimant !), les classer par ordre chronologique… comme à la maternelle (des fois, on se plante lamentablement…pas comme à la maternelle 🤔 ), etc… C’est épuisant, très frustrant, et parfois, il faut bien le dire, drôlement ennuyeux…

Légende : les orthophonistes ont des astuces pour vous faire parler.
Mes petits tuyaux pour se motiver et continuer à aller chez l’orthophoniste…
J’en avais marre de l’orthophonie, en même temps, je savais bien que je devais continuer coûte que coûte. Ce sont les changements de méthode qui m’ont fait tenir. En sus des méthodes classiques, j’ai testé la Méthode Padovan et la Méthode de Gisèle Gelbert. Comme mon ancienne orthophoniste était formée à ces deux méthodes, j’ai pu sans problème passer de l’une à l’autre.
La méthode Padovan
Cette vidéo est la plus proche de ce que j’ai fait. Mon orthophoniste a bien sûr adapté des exercices en fonction de mes handicaps.
En quoi consiste la méthode Padovan ?
La méthode Padovan (ou Réorganisation Neuro-Fonctionnelle) propose une série d’exercices, toujours dans le même ordre, qui récapitule toutes les phases d’évolution de l’enfant (du ventre de sa mère et l’âge de 3 ans) jusqu’à l’apprentissage du langage. Puis, des exercices qui correspondent au développement des mains, des yeux et des fonctions dites « pré-linguistiques » : respiration, succion, mastication, déglutition. Car, pour parler, nous utilisons les mêmes circuits nerveux et les mêmes muscles que pour respirer et manger.
Chaque exercice est accompagné d’un poème récité par le thérapeute (orthophoniste, kiné, psychomotricien…). Ceci afin de stimuler l’attention, l’audition (nb: la mémoire du rythme aussi) et l’imagination ainsi que favoriser la synchronisation des mouvements.
Il est recommandé 2 séances de 45 min par semaine. J’ai fait ces exercices pendant un an avant de recommencer à travailler : je ne pouvais plus continuer 2 fois par semaine, malheureusement.
Quels progrès ai-je fait avec la méthode Padovan ?
- J’articulais bien mieux, sans un surcroît d’efforts, grâce aux exercices de respiration, succion, mastication, et déglutition . Aussi bizarre que peuvent paraître ces exercices, j’ai réalisé que ma joue et ma langue avaient des muscles qu’il fallait aussi rééduquer du côté hémiplégique pour parler, par exemple.
- Je pouvais fermer les yeux sous la douche sans perdre l’équilibre grâce à l’exercice du hamac (rééducation vestibulaire).
- Peu après ces séances, j’ai eu un champ visuel réalisé par mon ophtalmo dont les résultats étaient bien meilleurs que le précédent. Un hasard ou pas…?
- J’ai progressé dans les exercices en coordonnant mieux mes mouvements, mais je n’ai pas vu de résultats concrets dans ma vie quotidienne.
- J’ai eu l’impression d’un bien-être général (peut-être était-ce dû à ma posture…), mais c’est très subjectif…
L’aphasie, c’est l’horreur… Au risque de choquer pas mal d’entre vous, pour moi, le handicap physique (j’entends par-là une hémiplégie) n’est rien à côté de l’aphasie… j’ai pu comparer malheureusement : j’ai eu 2 AVC, l’un avec une aphasie qui duré 4-5 jours dont je me suis remise parfaitement et une hémiplégie, l’autre avec une aphasie bien carabinée dont je ne me remettrai jamais totalement.
Après réflexion, j’ai barré les phrases ci-dessus : je me suis dit qu’il ne sert rien de comparer la douleur, les douleurs. Chacun vit les blessures de la vie comme il peut. Il n’en reste pas moins que l’aphasie… c’est l’horreur.
Mais, il y a parfois des solutions pour avancer malgré tout. Dans mon prochain article sur l’aphasie, je vous ferai part d’une autre méthode d’orthophonie que j’ai essayé : la méthode de Gisèle Gelbert, du chant, et la vie quotidienne avec une aphasie.
Maintenant, haut les cœurs : nous sommes des « warriors »* , des « Superhumans » : yes, we can !
Merci, Valérie. Il y a peu de dessins humoristiques en français au sujet du handicap en général, et de l’AVC en particulier. C’est dommage… Comme quoi, c’est culturel peut-être… Ca te choque ou pas ? Bises !
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Bravo pour cet article !! J’adore toujours autant ton style. .. et sympas aussi ces petits dessins en anglais. Tu peux être fière du chemin parcouru. Big bisous 😉
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